Ramakrishna, le bruissement divin



Comme dans la musique les notes montent graduellement du point le plus bas au point le plus élevé, puis redescendent en ordre inverse, de même après avoir éprouvé la non-dualité dans le samadhi, on redescend à un plan inférieur pour y vivre avec la conscience de l'ego. On n'atteint le cœur du bananier qu'après l'avoir dépouillé de ses enveloppes les unes après les autres, et seulement alors on trouve la partie essentielle. Mais, on doit se dire que ces enveloppes font aussi partie de la plante et qu'il faut les deux choses pour faire un tronc complet.

Quand la dévotion du disciple est sincère, les choses les plus simples lui rappellent Dieu et le mènent à l'extase. Ne savez-vous pas que le Seigneur Chaitanya tomba en samadhi alors qu'il se disait : "Voici la terre dont sont faits les tambours" ? En passant dans un village, Shri Chaitanya avait appris que des villageois gagnaient leur vie en fabriquant des tambours ; il songea aussitôt que les tambours étaient faits de la terre de ce village et il perdit apparemment conscience. Cette pensée que les tambours servaient à la musique sacrée, et que cette musique célèbre les louanges de Dieu qui est la beauté des beautés et l'âme de nos âmes, etc., tout cela lui vint en un éclair et son esprit se plongea en Dieu. 
De même, celui qui a pour son gourou une dévotion sincère pense certainement à lui en voyant des membres de la famille du gourou. Plus encore, s'il rencontre des habitants du village où son gourou demeure, il pense à lui ; il se prosterne devant eux, se couvre de la poussière de leurs pieds, les nourrit avec abondance et leur rend mille services. A ce moment, le disciple ne voit aucun défaut de son gourou. Il peut dire : "Même si mon gourou fréquente les cafés, il est malgré tout le Seigneur, la Béatitude éternelle." Sans cela un être humain ne peut être qu'un mélange de vertus et de vices. Le disciple, grâce à sa dévotion, ne voit pas son gourou comme celui qui a la jaunisse voit tout en jaune. Son adoration lui révèle alors que Dieu seul est tout ; c'est Lui est devenu le père, la mère, l'homme et la bête, les objets sensibles et insensibles.

Dans les anciennes pièces de théâtre (yâtrâs) vous avez vu que tant que résonne la musique et que les acteurs chantent à tue-tête : "Ô Krishna, viens, laisse-nous T'entrevoir", le Krisha de la pièce ne répond nullement à cet appel. Il continue de fumer et de causer, et se costume à loisir. Quand tous les bruits cessent et que le rishi Narada commence à chanter doucement et amoureusement : "Que tu est ravissant, ô Govinda, ma vie et mon âme !" Krishna ne peut plus s'attarder ; il apparaît immédiatement sur la scène.
Il en est de même pour le sâdhâk. Tant qu'il s'exclame à haute voix : "Ô Seigneur, viens ! Seigneur, révèle-Toi à moi..." sachez que Dieu est loin de lui. Quand le Seigneur doit venir vraiment Se révéler à lui, il est submergé par la dévotion et n'appelle plus à grands cris. Quand le sâdhâk invoque le Seigneur d'un cœur enivré par l'amour, Il ne peut pas Se refuser plus longtemps à Son adorateur.

Comment pouvons-nous nous libérer de l'étreinte de Mâyâ ? Celui qui désire apprendre à jouer d'un instrument s'exercera d'abord en jouant sur un morceau de bois. Celui dont le cœur désire ardemment être libéré des liens de Mâyâ recevra de Dieu même des instructions sur la voie qui mène à Lui.

Aswini Kumar Dutt demanda un jour au Maître ce qui constituait la différence entre l'hindouisme et le Brâhma Samâj.
Sri Râmakrishna répondit : "La différence est celle qui existe entre une note de musique et la musique elle-même. Le Brâhma Samâj se contente d'une seule note de Brahman, tandis que l'hindouisme est composé de plusieurs notes qui se fondent en une douce harmonie."

Même les hommes qui ont réalisé l'Absolu dans le samâdhi redescendent au plan de la conscience des sens, et ils gardent aussi assez d'ego pour pouvoir communier avec le Dieu Personnel. Il est très difficile dans le chant de tenir longtemps la note si, la plus haute de la gamme. D'où la nécessité d'une dévotion au Dieu personnel.



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